Un premier contingent de 274 monoplaces Vought F4U-5 (Bu. Aer. n° 121793 à 122066) fut construit et sur ce nombre on comptait 209 chasseurs de jour F4U-5, 43 chasseurs de nuit F4U-5N et 22 F4U-5P de reconnaissance photographique à long rayon d'action. Il y eut d'ailleurs d'autres conversions en F4U-5P par la suite.

Un second lot de fabrication porta sur 54 exemplaires (Bu. Aer. n°122153 à 122206) se répartissant en 14 F4U-5 et 40 F4U-5P. A la suite, la société Vought produisit deux autres contingents, l'un de 73 exemplaires (Bu. Aer. n°* 124441 à 124513) et l'autre de 45 exemplaires (Bu. Aer. n~ 124665 à 124709) répondant à la définition F4U-5N. Il y eut donc 161 appareils F4U-5N construits.

Nous étions alors en 1950 et la guerre de Corée venait de commencer. Très vite, les forces américaines constatèrent que l'aviation adverse lançait de nombreux rôdeurs nocturnes qu'il était très difficile d'intercepter. C'est ce qui donna l'idée à la société Vought, par le truchement de suggestions des unités engagées, de concevoir un modèle encore mieux adapté à ce genre de travail, le F4U-5NL. C'était en fait un F4U-5N adapté à l'interception en zones à basses températures.

L'avion recevait un système très complet et très efficace de dégivreurs et un moteur, certes un peu moins puissant, mais mieux adapté à l'utilisation recherchée.

Le prototype F4U-5NL vola pour la première fois le 4 novembre 1950 et fut suivi aussitôt par une production de série. Fabriqués en trois lots, il y eut tout d'abord 60 exemplaires (Bu. Aer n°123144 à 123203), puis 57 exemplaires (Bu. Aer. n° 124514 à 124560) et enfin 15 exemplaires (Bu. Aer. nor 124710 à 124724) F4U-5NL construits. Au cours des derniers mois de la guerre de Corée, les Sino-coréens employèrent beaucoup la tactique du harcèlement nocturne qui, non seulement, harassait les Américains, mais les laissait pratiquement sans riposte.

Ce F4U-5NL au marquage NP sur l'empennage vertical indique son appartenance au group VC-3.

Les avions ennemis utilisés étaient presque toujours des appareils légers, volant à très basse altitude afin de ne pas être repérés par les radars. Une contre-offensive fut cependant montée au début du mois de juin 1953 avec un tout petit nombre de pilotes détachés de leur porte-avions et qui vinrent, avec leur F4U-5N, se poser sur le terrain de Séoul afin de se familiariser avec les conditions tactiques locales. Ce ne fut pas facile et même extrêmement dangereux de voler de nuit si bas et sans l'aide des radars au sol. Les quelques pilotes détachés réussirent à acquérir une certaine maîtrise dans ces conditions très particulières de travail et l'un d'eux, le lieutenant Guy P. Bordelon, connut ses premières victoires au cours de la nuit du 29 juin 1953 en abattant presque coup sur coup deux de ces indésirables visiteurs. Le 5 juillet suivant, le lieutenant Bordelon descendait deux autres rôdeurs, puis un cinquième le 17 juillet, devenant ainsi le seul as américain à voler sur avion F4U- et en même temps le dernier de la guerre de Corée.

Signalons également car l'exploit mérite d'être noté, qu'en septembre 1952, un F4U-5 piloté par le capitaine Jesse G. Folmar du porte-avions USS SICILY rencontra une petite formation de cinq redoutables et très rapides MIG-1 5. Sachant qu'il n'avait aucune chance de fuir, Folmar fit courageusement front et tenta de se placer en bonne position de tir derrière l'un des MIG. Il dut recommencer plusieurs fois et chaque fois il était distancé. Profitant alors d'un léger gain d'altitude, Folmar parvint, sans d'ailleurs trop y croire, à se rapprocher d'un des appareils sino-coréens et fit feu longuement. Il eut alors la grande surprise de voir de la fumée qui s'échappait du Mig-15. Celui-ci dérapa et s'écrasa peu après au sol. Malheureusement, Folmar n'eut pas le temps de savourer longtemps sa victoire car son avion fut alors mis en pièce par les autres Mig-15.

Cette image anecdotique montre James Barber, un délégué technique de la société Vought, qui porte en triomphe sur une hotte coréenne le capitaine Jesse G. Folmar de l'ecadrille VMA-312. Ce valaureux pilote eut le grand mérite d'affronter avec son F4U-5 quatre chasseurs Mig-15, d'en abattre un avant d'être lui même abattu. photo US Navy.

Le «Corsair» artilleur et fantassin

A peu près à la même époque, le besoin se fit sentir de disposer d'un appareil particulièrement bien adapté à l'appui direct aux troupes qui d'ailleurs reculaient alors devant la pression des forces sino-coréennes. Ce besoin impérieux fut assez rapidement satisfait par une nouvelle variante du « Corsair», le modèle XF4U-6. En effet, les premiers avions de combat à réaction venaient de faire la preuve de leur incapacité dans le domaine de l'appui direct aux troupes. La société Vought était repartie en 1951 d'une cellule F4U-5, la 509* de série, sur laquelle était monté le moteur Pratt & Whitney R-2800-83W(A) construit par la firme Chevrolet et développant 2100 ch au décollage et 2300 ch en surpuissance.

Le capotage était complètement redessiné et les deux prises d'air latérales du F4U-5 étaient supprimées. Prévu pour évoluer à basse altitude, le XF4U-6 recevait de nombreuses plaques de blindages couvrant les parties inférieures afin de mieux résister aux projectiles de petit calibre tirés du sol. L'armement comportait toujours les quatre canons de 20mm qui étaient cependant du type M-3/T-31 capables de tirer 720 coups à la minute. Ces armes, dont la mise à feu pouvait être différentielle, étaient asservies au système gyroscopique de contrôle de tir Model MK-6 Type 0 spécialement étudié pour ce type d'appareil. De plus, l'intrados de la voilure recevait, non plus des attaches, mais des rails profilés pouvant assurer l'emport et le lancement de 10 projectiles HVAR de 127 mm ou de 10 bombes de 127 kg. Avec cette impressionnante puissance de feu, le destinant exclusivement aux attaques au sol, le prototype XF4U-6 fut rebaptisé XAU-1. C'est le Marine Corps qui fut le plus intéressé et c'est lui qui passa commande de la version de série AU-1.

Les 11 exemplaires AU-1 de série (Bu. Aer. OS 129318à 129417 et 133833 à 133843) furent livrés entre le 7 février et le 10 octobre 1952. Parmi les détails extérieurs permettant l'identification du modèle, on notait la présence d'un pare-brise plat et épais et le montage de deux mâts d'antenne profilés sur le dos du fuselage, dont le second avait d'ailleurs une forme trapézoïdale étirée. Prenant la relève des F4U-4 et s'adaptant parfaitement aux conditions de travail pour lesquelles ils avaient été conçus, les AU-1 assu- rèrent 80 % environ des missions d'attaque au sol et de soutien direct aux troupes jusqu'à la fin de la guerre de Corée, le 27 juillet 1953.

F4U-4 pendant la guerre de Corée à bord de l'USS Boxer.

Au début de l'année 1954, la situation militaire des forces françaises en Indochine s'était sérieusement détériorée et à la demande de l'état-major français, les Américains acceptèrent de prêter quelques appareils modernes d'attaque au sol dont manquait cruellement l'aviation du Corps expéditionnaire français. Les personnels de deux escadrilles arri- vèrent en Indochine pour prendre en mains 25Vought AU-1 provenant d'un dépôt du Marine Corps en Corée et que le porte-avions USS SAIPAN débarqua à Saïgon le 18 avril 1954. Dès le 20 avril, soit le surlendemain de leur arrivée, les premiers AU-1 accomplissaient des missions tactiques au Centre-Viet Nam. Conjointement à d'autres escadrilles dotées d'autres modèles, les AU-1 prirent une part active aux derniers grands engagements du conflit Indochinois et notamment à la défense héroïque du camp retranché de Dien-Bien-Phu.

Le «Corsair» français

On eut pu croire que la carrière déjà fort longue du « Corsair» était enfin achevée et qu'il avait bien mérité d'entrer au « panthéon » des chasseurs valeureux. C'était mal connaître ses étonnantes possibilités car il allait participer à bien d'autres opérations militaires. Lorsque dans les années 50, la France eut recours à l'aide américaine dans le cadre de son action de plus en plus difficile contre le Viet-Minh en Indochine, elle reçut, comme nous le savons, de nombreux types différents d'appareils et parmi eux des AU-1.

Ceux-ci furent si appréciés et démontrèrent tant de qualités potentielles que les autorités fran- çaises décidèrent de commander une variante encore mieux adaptée aux besoins d'alors. Les pourparlers entrepris avec la société Vought aboutirent à la définition du modèle XF4U-7. Étudié donc spécifiquement pour la France dans le cadre du M.D.A.P. (Programme de défense et d'assistance mutuelle), la version F4U-7 du « Corsair » était en fait une sorte de compromis des variantes précédentres.
La cellule était directement issue du F4U-4 dont elle reprenait d'ailleurs le même type de moteur et de capotage, du F4U-5 pour l'armement fixe de bord et du AU-1 pour l'armement extérieur et les équipements.

Le prototype XF4U-7 effectua son premier vol le 2 juillet 1952 et fut commandé à 94 exemplaires (Bu. Aer. n°» 133652 à 133731 et 133819 à 133832) qui furent construits dans la nouvelle usine Vought de Dallas (Texas). Le dernier d'entre eux sortit des chaînes le 31 janvier 1953.

Arrivés trop tard pour prendre part aux combats en Indochine, les « Corsair» de l'Aéronavale française participèrent à la guerre des Djebels en Algérie dans laquelle ils redonnèrent toute la mesure de leurs nombreuses possibilités en attaquant les « caches » des maquisards du F.L.N.

Les F4U-7 équipèrent les escadrilles 12F, 14F, 15F, 17F ainsi que des éléments de la 10S opérant pour le C.E.P.A. et opérèrent intensément tant à partir de bases terrestres qu'à bord du porte-avions ARROMANCHES. En juin 1956, lors de ce qu'il est convenu d'appeler «l'Affaire de Suez», les «Corsair» de l'Aéronavale française portant les bandes noir et jaune d'identification participèrent aux brefs, mais violents combats d'ismaïlia. Les « Corsair» français demeurèrent en service actif jusqu'en 1964, date à laquelle la dernière escadrille, la 14F, fut désarmée.

De nécessaires conclusions

Plus que tout autre, cet avion appelle des conclusions aussi multiples que nombreuses tant est riche son histoire et tant est longue sa carrière. Le 31 janvier 1953 donc, lorsque le 94" F4U-7 sortit d'usine, c'était également le dernier des 12 571 « Corsair» construits au total.

Ce chiffre était à lui seul éloquent, bien que la réussite d'un avion se mesure moins au nombre qu'à la longévité de sa carrière. Entre l'apparition du tout premier prototype en 1938 et la sortie du dernier « Corsair », quinze années s'étaient écoulées, mais ce qui est encore plus étonnant, c'est qu'entre la première mise en service opérationnel en 1943 et la fin de son service actif en 1964, 21 ans avaient passé, ce qui constitue un véritable record dans le domaine des appareils de chasse. Le « Corsair» fut d'ailleurs le dernier avion de chasse à moteur à pistons à être construit aux États-Unis.

Il est vrai que tout au long de son extraordinaire carrière, l'appareil avait sub 981 modifications importantes et plus de 20000 secondaires et les techniciens n'avaient cessé d'améliorer ses performances et de diversifier ses possibilités. Entre le prototype XF4U-1 qui dépassa le cap des 400 mph (640 km/h) en 1940 et le modèle F4U-7, un long chemin avait été parcouru au cours duquel le «Corsair» s'était montré le plus souvent un adversaire dangereux. Très peu d'intercepteurs modernes peuvent exhiber un palmarès comparable à celui du «Corsair», qui figura, nous le répétons, dans les guerres du Pacifique, de Corée, d'Indochine, d'Algérie et lors de l'affaire de Suez, avec des résultats tactiques fort honorables.

La Marine américaine publia, à l'issue de la guerre du Pacifique, un rapport sur la partici pation du « Corsair » à ce conflit et on pouvait y lire que ce type d'appareil avait effectué le chiffre impressionnant de 64 051 missions de guerre, dont 54 470 à partir de bases terrestres et 9581 au départ de porte-avions. Les « Corsair» étaient officiellement crédités de 2140 victoires homologuées pour la perte globale de 1624 appareils dont 189 seulement en combat aérien. Ce dernier chiffre faisait donc apparaître un taux de victoire de plus de 11 contre 1. Toutefois, le chiffre des pertes générales montrait d'une part les difficultés rencontrées initialement lors de la mise au point opérationnelle du «Corsair» et d'autre part sa forte participation aux actions terrestres souvent très meurtrières et toujours difficiles.

Le lecteur comprend sans doute mieux pourquoi nous nous sommes si étendus sur ce modèle de chasseur qui fut l'un des fleurons et l'un des principaux artisans de la victoire américaine en Extrême-Orient.

Nous pensons d'ailleurs que le temps n'effacera pas le souvenir liant ce remarquable monoplace à son surnom « Corsair». En effet, la notoriété et la gloire qui s'y attachent n'ont pas été ternies, ni par les divers surnoms officieux qu'il reçut, ni par le fait que ce même surnom officiel a été repris par un autre appareil produit par la
même société.



Il est certain que le succès du «Corsair» procède de nombreuses qualités concomitantes dont certaines étaient également le fait d'autres appareils, mais qui, dans le cas du « Corsair », étaient réunies en un seul et même modèle. Parmi ces qualités, citons son excellente maniabilité, sa grande vitesse, son long rayon d'action, son étonnante faculté à emporter de très lourdes charges extérieures et sa très appréciable résistance aux coups.

Un autre témoignage de la longévité, de la célébrité et aussi des étonnantes possibilités de l'avion apparaît dans le fait qu'après la Deuxième guerre mondiale, non seulement plusieurs pays dotèrent de «Corsair» leur aviation militaire, mais qu'il y eut de nombreux pilotes civils qui achetèrent des « Corsair» aux surplus et participèrent à de nombreuses compétitions, remportant d'ailleurs plusieurs trophées.

C'est ainsi qu'aux courses aériennes de Cleveland en 1947, Cook Cleland remporta avec son F2G-1 (NX 5577 N) le Thompson Trophy à la moyenne horaire de 637 km/h, suivi par un autre «Corsair» qui prenait la seconde place. Deux ans plus tard, lors du Thompson Trophy de 1949, Cook Cleland récidivait avec un autre F2G-1 (N 5590 N). Les deuxième et troisième places étaient d'ailleurs occupées par deux autres « Corsair» F2G-1, le premier (N 91092) était piloté par Ron Puckett et le second (N 5588 N) par Ben McKillan.

 

Caractéristiques et performances du Vought F4U-1 /4 « Corsair » F4U-1 :Avec un moteur à 18 cylindres en double étoile Pratt & Whitney R-2800-8 (B) développant 2 000 ch au décollage et entraînant une hélice tripale à vitesse constante de 4,06 m de diamètre. F4U-4 :Avec un moteur à 18 cylindres en double étoile Pratt & Whitney R-2800-42W développant 2 300 ch au décollage et entraînant une hélice quadripale à vitesse constante de 4,06 m de diamètre.

F4U-1
Envergure ..............12,49 m
Longueur ................10,16m
Hauteur .................3,71m
Surface alaire ..........29,17 m2
Poids à vide ............4 074 kg
Poids en charge .........5 460 kg
Poids maximal ...........6 354 kg
Vitesse maximale ........650 km/h à 7000 m
Vitesse de croisière économique .293 km/h
Vitesse ascensionnelle initiale .880 m/mn
Plafond pratique ...............11 245 m
Autonomie normale ...............1630 km
Autonomie maximale ..............3570 km
Armement .................6 mit. de 12,7 mm
2 bombes de 454 kg

F4U-4
Envergure .............12,49m
Longueur ...............9,99m
Hauteur ................3,73m
Surface alaire .........29,17m2
Poids à vide ...........4 235 kg
Poids en charge ........5 680 kg
Poids maximal ..........6 654 kg
Vitesse maximale ......718 km/h à 8000 m
Vitesse de croisière économique .436 km/h
Vitesse ascensionnelle initiale .1 180 m/mn
Plafond pratique ...............12650m
Autonomie normale ...............1610km
Autonomie maximale ..............2600 km
Armement ................... 6 mit. de 12,7 mm
2 bombes de 454 kg
8 rockets de 127mm

 

Ces informations ont été emprunté à Bernard Millot dans son livre "Les Chasseurs Américain de la Guerre du Pacifique" Docavia Edition Lariviére.