Vous avez peut-être assisté au dernier meeting de La Ferté-Alais
Alors que l'on célèbre partout en Europe le 60e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, et que l'on rend hommage aux derniers vétérans encore vivants, un faisceau de nouvelles réglementations construit la partition de la marche funèbre du patrimoine aéronautique français.
CREATION
D'UNE REDEVANCE POUR LES MEETINGS AÉRIENS
Un récent projet d'arrêté fixant le champ d'application
et les tarifs de divers services rendus par la Direction Générale
de l'Aviation Civile (DGAC) prévoit - chose nouvelle - une redevance
intitulée " redevance de manifestation aérienne "
relative à la délivrance de l'autorisation relative à
l'organisation de manifestation aérienne prévue par l'article
R. 131-3 et des arrêtés pris en application. L'article 20 de
ce projet indique des montants de redevance de manifestation aérienne
fixés forfaitairement à 10 000 euros pour les manifestations
de moyenne importance et à 20 000 euros pour les manifestations de
grande importance (soit respectivement trois et six mois du salaire moyen
d'un fonctionnaire de la DGAC
). Même si ces montants sont donnés
à titre indicatif, sans tenir compte des consultations en cours,
il n'en demeure pas moins que jusqu'à présent, les organisateurs
de meetings n'avaient rien à payer - et pourquoi auraient-ils eu
une redevance à payer à un service d'état ? Qui plus
est, si l'arrêté donne des montants indicatifs pour cette redevance,
il ne dit absolument rien des services exigibles en contrepartie par les
organisateurs de meetings
Quant aux organisateurs de meetings aériens
dégageant des bénéfices supérieurs aux redevances
prévues, il n'en existe aucun en France à notre connaissance.
L'article 20 de ce projet d'arrêté signifie tout simplement
la fin des meetings aériens en France, et en corollaire celles des
avions de collections, et donc une attrition à très court
terme de notre patrimoine aéronautique.
LE DECRET
QUE LES COLLECTIONNEURS ATTENDENT DEPUIS
DEUX ANS,
REMIS EN CAUSE PAR UNE NOUVELLE LOI SUR LA DEFENSE NATIONALE
Lors du vote de la loi sur la Sécurité Intérieure,
au début de 2003, les collectionneurs avaient obtenu in extremis
sa modification, afin de pouvoir continuer à détenir et à
acquérir d'anciens avions militaires. Or, cette loi n° 2003-239
du 18 mars 2003 sur la Sécurité Intérieure, et plus
spécifiquement son article 80, n'est toujours pas appliquée
car le décret d'application n'a toujours pas été promulgué.
Ceci malgré de nombreuses relances auprès des services concernés.
Le texte de ce décret existe pourtant bien ; il a été
rédigé par un fonctionnaire du ministère de l'intérieur
et devait être présenté au conseil d'état en
février dernier. Nul ne sait plus aujourd'hui où il se trouve,
perdu dans les nombreuses mutations de personnels qui suivirent les changements
de fonction de N. Sarkozy. Mais surtout, certains hauts fonctionnaires zélés
du ministère de la Défense bloquent depuis deux ans sa sortie,
bloquant du même fait l'enrichissement de notre patrimoine aéronautique
; un, en particulier, s'est appliqué à retarder sine die la
parution de ce décret d'application de l'article 80 de cette loi
pourtant votée dans l'urgence en 2003. Selon ce fonctionnaire, "il
n'existe actuellement aucune procédure réglementaire autorisant
le " déclassement " d'un matériel classé
dans la 2e catégorie des matériels de guerre [à laquelle
appartiennent les anciens avions d'armes militaires, même un Spad
XIII de 1918 en dehors de la réduction à l'état de
ferrailles " et il ne voit pas de raison d'agir pour changer cet état
de fait.
L'inquiétude des collectionneurs est d'autant plus légitime
qu'ils ont appris qu'une première lecture d'un projet de loi sur
la Défense nationale a eu lieu le 7 avril 2005 à l'Assemblée
nationale, visant plus ou moins intentionnellement à abroger de fait
une partie de la loi sur la Sécurité Intérieure.
UN RÈGLEMENT
EUROPÉEN IMPOSANT QU'UN B-17 SOIT ASSURÉ COMME UN BOEING 737
Depuis le 30 avril, un règlement européen impose de nouveaux
seuils de couverture en responsabilité civile à tous les opérateurs
d'aéronefs. La spécificité des avions de collection
n'a pas été prise en compte lors de la rédaction de
ce règlement, qui catégorise les avions par tranches de poids,
avec pour chaque catégorie un minimum de couverture. Un B-17 ou un
Noratlas se retrouve ainsi dans la même catégorie qu'un Boeing
737
et donc doit payer la même prime d'assurance. Or, un B-17
ou un Noratlas ne vole que 30 à 40 heures par an contre plusieurs
centaines pour un Boeing 737 d'une compagnie aérienne et ne peut
emporter de passagers payants
il en résulte au minimum le triplement
de la prime d'assurance de ces avions historiques, véritables monuments
vivants, parce qu'en état de vol, à la mémoire des
équipages qui ont donné leurs vie pour notre liberté.
Cette augmentation hors de proportion engendre un surcoût à
l'heure de vol impossible à supporter pour les associations de bénévoles
qui restaurent, entretiennent et font voler ces machines. A court terme,
ces avions seront arrêtés de vol définitivement, et
ne pourront donc plus être présentés au plus grand nombre,
et en particulier aux jeunes générations, où ils seront
vendus à l'étranger, ce qui ne fera qu'amoindrir encore plus
notre patrimoine aéronautique.
A l'heure où le couplet sur devoir de mémoire est repris sur tous les tons partout en Europe, les menaces qui pèsent aujourd'hui sur notre patrimoine aéronautique sont tout simplement indécentes, intolérables. Vous pouvez agir. Ecrivez à votre député local, ainsi qu'à votre député européen. Agissez ou faites-vous à l'idée que vous ne verrez plus jamais ces monuments honorer la mémoire des libérateurs dans leur élément.
Jean
Claude Roussel , président de la FFA
Patrick Charrier , président de l'AOPA
Gérard Feldzer , président de l'Aéro-Club de France
Catherine Dartois, présidente du RSA