ARTICLE
57 bis (nouveau) Redevances aéronautiques
Commentaire : le présent article, introduit par voie d'amendement
gouvernemental lors de l'examen du présent projet de loi de finances
rectificative à l'Assemblée nationale, modifie le système
des redevances aéronautiques destinées à assurer le
financement du budget annexe de l'aviation civile (BAAC), en conformité
avec la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LA STRUCTURE DU BUDGET ANNEXE DE L'AVIATION CIVILE
Le budget annexe de l'aviation civile (BAAC) a été créé
en 1992 et a succédé au budget annexe de la navigation aérienne
(BANA), créé en 1985, pour retracer de manière plus
large " l'ensemble des opérations financières des services
de l'aviation civile relatives à l'organisation et au contrôle
du transport aérien et aux équipements aéroportuaires
".
Le BAAC finance des missions régaliennes (qui relèvent de
l'Etat par nature) et non régaliennes (qui sont des prestations donnant
lieu à un paiement), ainsi que, de manière plus marginale,
des missions qui relèvent de l'Etat " en opportunité
" telles que certaines exonérations et exemptions dans le domaine
du contrôle de la circulation aérienne ou l'absence de redevances
d'Etat dans le domaine de la sécurité aéronautique.
Ces missions sont financées par une subvention du budget général
de l'Etat, et, depuis 1999, par une fraction du produit de la taxe de
l'aviation civile (TAC), qui a succédé à la taxe
pour la sûreté et la sécurité (TSS).
En 2005, cette taxe représente 216,8 millions d'euros, soit 15 %
des recettes du budget annexe, qui s'élèvent à 1,556
milliard d'euros. L'essentiel des ressources du budget annexe est assuré
par la redevance de route (955 millions d'euros) et les redevances pour
services terminaux de circulation aérienne (237 millions d'euros).
Le périmètre du BAAC a évolué au cours des dernières
années, notamment sous l'influence de la jurisprudence du Conseil
d'Etat concernant les missions donnant lieu à un financement par
redevance, et compte tenu de la création du fonds d'intervention
pour les aéroports et le transport aérien (FIATA).
Les modalités de financement du budget annexe de l'aviation civile
ont été décrites en détail par notre collègue
Yvon Collin dans son rapport spécial103(*) sur le budget de l'aviation
civile.
B. UN PÉRIMÈTRE APPELÉ À ÉVOLUER, NOTAMMENT
APRÈS L'ADOPTION DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT 2001 RELATIVE
AUX LOIS DE FINANCES
La construction du BAAC est " hybride " : elle recouvre des dépenses
qui relèvent du domaine régalien aussi bien que de prestations
; des ressources de types différents lui sont affectées comme
les redevances et les taxes.
L'article 18 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois
de finances (LOLF) prévoit que les budgets annexes retracent "
les seules opérations des services de l'Etat non dotés de
la personnalité morale résultant de leur activité de
production de biens ou de prestations de services donnant lieu au paiement
de redevances ". L'application de ce principe doit donc conduire, à
l'horizon 2006, à redéfinir le périmètre du
BAAC, de manière à en exclure toutes les charges de nature
régalienne, qui bénéficient d'un financement soit de
nature budgétaire, soit de nature fiscale (taxe de l'aviation civile
notamment). Les opérations correspondant à ces missions doivent
relever à compter de 2006 du droit commun budgétaire et comptable
de l'Etat.
Afin de tenir compte de cette véritable " révolution
", le BAAC doit donc se concentrer sur les missions " non régaliennes
", financées principalement par des redevances.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, la structure des services
de l'aviation civile a été profondément modifiée,
afin de mettre le BAAC en conformité avec les nouvelles dispositions
organiques.
Ainsi, il est prévu que les actions de nature régalienne relèvent
d'une mission spécifique au sein du ministère des transports,
alors que le budget annexe conserverait les actions " non régaliennes
", c'est-à-dire de prestation de services.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article a pour objet de mettre les financements du BAAC
en conformité avec les exigences de l'article 18 précité
de la LOLF. Il convient de relever que cette opération nécessite
deux étapes :
- d'une part, la redéfinition de la structure des missions exercées
par la direction générale de l'aviation civile entre ce qui
relève du domaine " régalien " et " non régalien
";
- d'autre part, l'adéquation entre les ressources affectées
à chacune de ces missions et les besoins, afin de ne pas déséquilibrer
la structure de financement du BAAC.
A. LA CRÉATION DE REDEVANCES
Dans ce cadre, le présent article propose d'augmenter la fraction
des ressources du budget annexe de l'aviation civile alimentée par
les redevances, et de diminuer en proportion les ressources procurées
par la taxe de l'aviation civile qui, en raison de la mise en oeuvre de
la LOLF en 2006 pour les budgets annexes, ne pourra continuer à financer
de manière importante le BAAC.
Ces redevances, au nombre de huit, permettent de mettre à la charge
des bénéficiaires le coût des prestations de contrôle
technique dans le domaine de la sécurité et de la sûreté
aéronautique. Il convient de rappeler que, dans le droit existant,
les redevances couvrent uniquement les prestations liées à
la navigation aérienne.
Le périmètre des " nouvelles " redevances, défini
par le présent article, fait donc entrer dans le champ de la tarification
des secteurs (contrôle technique dans le domaine de la sécurité
et de la sûreté), qui, jusqu'à présent, étaient
financés notamment par la taxe de l'aviation civile, c'est-à-dire
une taxe générale perçue sur l'ensemble des usagers
du transport aérien.
Les redevances définies aux huit premiers alinéas de l'article
L. 611-5 du code de l'aviation civile tel que proposé dans le présent
article sont les suivantes :
- une redevance pour l'agrément de conception (nécessaire
pour la certification et la validation du dossier technique d'un aéronef)
et de production (nécessaire pour la fabrication en série
des aéronefs). La recette attendue est de l'ordre de 8,7 millions
d'euros104(*) ;
- une redevance relative à la délivrance des autorisations
individuelles permettant aux aéronefs de voler. La recette attendue
est de l'ordre de 1,5 million d'euros ;
- une redevance relative aux contrôles exercés en vue d'assurer
le bon entretien des aéronefs, pour une recette attendue de 7,5 millions
d'euros ;
- une redevance relative aux différents opérateurs qui doivent
pour exercer détenir un agrément relatif à la sécurité
(entreprises de transport aérien, exploitants d'aérodromes,
écoles de formation...), pour une recette totale attendue de 19,8
millions d'euros ;
- une redevance relative aux entreprises et personnes dont les dispositions
en matière de sûreté sont soumises au contrôle
de la DGAC, pour une recette attendue de 13 millions d'euros ;
- une redevance relative aux organisations des manifestations aériennes,
pour une recette attendue de 2,8 millions d'euros ;
- une redevance relative aux navigants et mécaniciens de sol qui
passent un examen en demandant la délivrance d'une licence, pour
une recette attendue de 14,3 millions d'euros ;
- enfin, une redevance relative aux fournisseurs de matériels et
de système pour la navigation aérienne, la recette attendue
n'a pu être fournie à votre rapporteur général,
mais devrait être peu élevée.
Le neuvième alinéa de l'article L. 611-5 du code de l'aviation
civile tel qu'il résulterait du présent article précise
que les huit redevances précédemment citées comprennent
" le coût complet des services rendus ". Cette disposition105(*)
signifie que l'ensemble des coûts supportés par l'administration,
par exemple les charges de retraite des agents, les immobilisations, les
assurances, est compris dans l'assiette des redevances. Cette précision
permet d'éviter de donner aux redevances un sens trop étroit,
qui en limiterait la portée, en ne comptabilisant que le coût
" direct ".
De même, la dernière phrase du neuvième alinéa
permet d'introduire, en ce qui concerne la redevance pour services terminaux
de la circulation aérienne, le fait que son assiette comprend également
les coûts de l'autorité de surveillance et des organismes agréés,
chargés, en application du règlement CE n° 550/2004 du
10 mars 2004, du contrôle de l'exploitation des prestataires de services
de la navigation aérienne.
B. L'ENTRÉE EN APPLICATION DU PRÉSENT DISPOSITIF
Il faut relever que le BAAC ne présentera pas de " préfiguration
" de la LOLF en 2005, comme cela est le cas pour le reste du budget.
En effet, l'article 66-1 de la LOLF dispose que " est joint à
la loi de finances pour 2005 un document présentant, à titre
indicatif, les crédits du budget général selon les
principes retenus par la présente loi organique ". En conséquence,
les budgets annexes ne sont pas tenus, pour 2005, à cette obligation.
Les dispositions du présent article, qui constituent une préfiguration
de la mise en oeuvre de la loi organique, n'entreront en vigueur qu'à
partir de 2006. En conséquence, pour 2005, la structure de financement
du budget annexe n'est pas modifiée.
Selon les informations transmises à votre rapporteur général,
les services de la DGAC envisagent à partir de 2006 une " montée
en puissance " progressive de ces redevances qui devraient, à
terme, représenter des recettes de l'ordre de 100 millions d'euros.
L'exposé des motifs précise que les tarifs de la taxe d'aviation
civile seront abaissés à due concurrence. Les services de
la DGAC indiquent que l'institution progressive de ces redevances, notamment
leur assiette précise et leur taux, fera l'objet d'une concertation
approfondie avec les organismes concernés.
Pour 2006, les redevances devraient, selon les simulations fournies, représenter
environ 50 millions d'euros. En conséquence, la taxe d'aviation civile
devrait baisser d'environ 20 %.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission des finances estime que le présent article présente
trois avantages :
- il constitue une mise en conformité avec l'article 18 de la LOLF,
mise en conformité qui s'est, de plus, accompagnée d'une réorganisation
des services de la DGAC dans le sens d'une plus grande efficacité
;
- il permet de se rapprocher d'une certaine " vérité
des coûts ", en facturant les prestations aux personnes qui en
bénéficient. A contrario, il permet de ne plus faire supporter
aux usagers du transport aérien, c'est-à-dire les passagers,
des services qui ne les concernent pas directement ;
- il rapproche la France du modèle adopté par les principaux
pays européens, qui ont développé des systèmes
de redevances afin de mieux isoler les coûts et les bénéficiaires
des services. En conséquence, le système retenu préserve
la compétitivité des plateformes aéroportuaires françaises,
qui souffraient jusqu'à présent du mode de taxation "
indifférenciée " de la taxe de l'aviation civile.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
cet article sans modification.