Après Apocalypse sur la guerre de 40,
Daniel Costelle, co-auteur de la série avec Isabelle Clarke nous explique
les dessous de leur nouveau tour de force, un documentaire exhaustif sur la
Grande Guerre.
Une compilation de documents du monde entier " Nos succès précédents nous
ont donné accès aux archives de nombreux pays parmi lesquels le Canada, grand
contributeur avec ses 424 000 soldats.
La Nouvelle-Zélande et l'Australie, états membres du Commonwealth qui se sont
illustrés dans les Dardanelles, ainsi que les États-Unis dont la participation
au conflit avec deux millions d'hommes a été décisive.
On a même découvert des documents amateurs comme ce Français qui a filmé sa
famille durant la guerre, notamment son frère revenu du front blessé et marié
à son infirmière. Il y a aussi ce soldat allemand qui rapporte à sa famille
ébahie une denrée rare pour l'époque (à cause du blocus) : une banane ! Au
total, cette série est constituée de près de 80% d'images inédites ! " 2.
Un environnement sonore authentique.
Nous avons eu une approche cinématographique du mixage et des sons.
On a fait appel à deux pointures. Gilbert Courtois qui a déjà travaillé sur
nos précédents " Apocalypse " ainsi que le Québécois Christian Rivest, Emmy
Award 2011 du meilleur montage sonore pour la série Les Piliers de la Terre.
Le premier est un collectionneur de sons, qu'il recueille dans les meetings
et autres rendez-vous d'amateurs.
Quand un canon de 75 tire un obus, le bruit est authentique. Idem pour le
monoplan qui atterrit ou le moteur du camion.
Christian Rivest est lui, spécialiste des bruitages du quotidien. Quand par exemple l'empereur d'Allemagne Guillaume II, impotent, enfourche son cheval, il reproduit le son du déplacement du tabouret qu'on lui glisse sous le pied. " 3. Les vraies couleurs de 14-18 " Il nous a fallu un an de recherche avant de mettre en couleur ces images.
Camille Levavasseur-Blasi, assistante-réalisatrice
aidée de deux étudiants en histoire, s'est attelée à la tâche. Il leur a fallu
consulter des livres, des gravures, des peintures, visiter des musées. Trouver
la bonne teinte d'un uniforme peut demander des journées de recherches. Leurs
choix étaient validés par nos deux conseillers historiques Paul Malmassari
et Frédéric Guelton.
Les informations récoltées ont fait l'objet de visuels regroupés par thèmes
: l'univers militaire (uniformes, drapeaux, véhicules), l'architecture (maison,
édifices, pont), les modes vestimentaires, les transports (les bus, les fiacres,
les taxis), voire les traits physiques, comme les yeux bleus de George V d'Angleterre
ou les moustaches châtains de Guillaume II. On a ainsi transmis 2800 visuels
à l'équipe de remise en couleur dirigée par François Montpellier. Rien n'a
été laissé au hasard, on a même collé aux saisons et aux horaires de la journée.
Pour les scènes estivales, on a forcé sur les chromatiques. Si l'on ajoute
que ces images ont été remastérisées en haute définition, on obtient un résultat
saisissant. Des scènes datées d'un siècle semblent beaucoup plus récentes.
Hacène Chouchaoui
SUR LES TRACES DE 14-18
L'omniprésence de la Grande Guerre
De bruit et de fureur
Jean-Christophe Laurence La Presse
Depuis 35 ans, Gilbert Courtois collectionne les sons des armes et des engins
de guerre. Cette rare expertise lui a permis de sonoriser deux séries Apocalypse,
dont celle sur la Première Guerre mondiale.
Gilbert Courtois est un passionné des sons de guerre.
Contrairement au commun des mortels, il sait reconnaître la différence entre
le son d’un fusil Lebel et celui d’une carabine Berthier.
Il sait que les vieux tanks allemands ne font pas le même bruit que les chars
français.
Et il adore enregistrer les vieux avions de la Première Guerre quand les collectionneurs
les sortent du garage.
Cette passion, qui dure depuis 35 ans, lui a permis d’accumuler plus de 600
heures de sons de guerre, qu’il conserve précieusement dans sa colossale banque
informatique, avec des dizaines de milliers d’autres fichiers sonores de toutes
sortes, tous classés rigoureusement, de façon à être repérés rapidement.
Avec une telle collection, pas étonnant que les réalisateurs d’Apocalypse,
Daniel Costelle et Isabelle Clarke, aient fait appel à ses services pour leur
série sur la Première et la Seconde Guerre mondiale.
Il était l’expert tout désigné pour sonoriser cette excellente production
télévisuelle, qui se distingue par sa façon originale de redonner vie à l’Histoire,
que ce soit par la colorisation ou par l’ajout de bruits bien précis.
Précis est ici le mot-clé.
En effet, pour Gilbert Courtois, l’approximation n’existe pas.
Qu’il s’agisse d’un avion, d’un char d’assaut, d’une mitraillette, d’une carabine
ou d’un « taxi de la Marne », chaque son que vous entendez dans la série Apocalypse
correspond exactement à la machine de guerre que vous voyez dans le film d’archives
à l’écran.
Les avions Fokker ont des sons de Fokker.
Les mitrailleuses Maxim, des sons de Maxim.
Et les fusils Lebel, des sons de Lebel.
Aurait-il pu tricher et tourner les coins ronds ?
Pas vraiment, dit-il.
« Dans ce milieu, les gens qui s’intéressent aux vieux engins ont une culture
incroyable.
Ils peuvent reconnaître la marque d’un avion les yeux fermés, rien qu’en l’entendant.
»
— Gilbert Courtois, passionné des sons de guerre
« Alors si moi je mets n’importe quoi à l’image, c’est garanti, je me fais
casser la gueule au bar ! Quand on a les vrais sons, c’est idiot de ne pas
les utiliser. »
Et où trouve-t-il ses « vrais sons » ? Partout où il peut. La France est un
pays avec un long passé militaire.
Beaucoup de collectionneurs ont conservé des engins de guerre et, pour peu
« qu’on leur retourne l’ascenseur », plusieurs se feront un plaisir de démarrer
les moteurs pour lui permettre de capturer les sons.
C’est ainsi que Gilbert Courtois écume, une ou deux fois l’an, les conventions
d’aéronautique et les rencontres de collectionneurs d’engins motorisés, avec
ses micros ultra-performants.
Dans le cas des avions, il reste la plupart du temps sur le terrain, pour
capter le démarrage, le décollage ou l’atterrissage.
Il lui arrive aussi de monter dans le cockpit, pour saisir le son d’un aéroplane
en vol.
« Quand c’est un monoplace, par contre, je ne peux pas monter. Alors j’accroche
des micros sur le col du pilote. »
LE DÉFI DES ARMES
On aurait pu croire que la série sur la Première Guerre mondiale aurait été
pour lui un plus grand défi, considérant l’âge et la plus grande rareté des
engins.
Il n’en est rien, assure-t-il.
Hormis quelques modèles disparus – et bien sûr les bombes, dont le son exact
est impossible à reproduire pour des raisons de sécurité évidentes
– , la plupart des engins sont encore trouvables en état de marche.
Pour les armes, par contre, c’est un peu plus difficile.
Non seulement ne reste-t-il qu’une poignée de fusils, de mitrailleuses et
de revolvers en circulation, mais ceux qui les possèdent n’ont généralement
pas les munitions pour tirer et encore moins de permis leur en donnant le
droit.
Ce sont souvent des particuliers, qui en ont hérité de leur grand-père et
qui la conservent depuis dans un placard familial.
Il va sans dire, il est interdit de les utiliser, sous peine d’amendes très
salées.
« C’est plus compliqué, admet Gilbert Courtois, qui a toutefois réussi à en
enregistrer un bon nombre au fil des ans.
En général, il faut faire fabriquer de nouvelles douilles une par une.
Ça coûte cher pour une simple rafale de trois secondes.
Trois secondes, 150 euros…
Ensuite, c’est dangereux.
Et il faut que les armes soient déclarées.
Du coup, ça se fait un peu en douce.
Il ne faut pas manquer son coup ! »
DU ROCK À LA GUERRE
Gilbert Courtois est, sauf erreur, le plus important collectionneur de sons
de guerre en France.
Outre la série Apocalypse, pour laquelle il est devenu un indispensable allié,
il alimente essentiellement des musées militaires, qui souhaitent monter des
installations immersives.
Pour cet ancien guitariste de rock, dont le premier groupe s’appelait Lover’s
Love, on peut parler d’un improbable destin.
Reconverti en ingénieur de son au milieu des années 70, Gilbert Courtois a
collaboré avec plusieurs artistes de pop français connus comme Alain Souchon,
Laurent Voulzy et Désireless (Voyage Voyage).
De fil en aiguille, il s’est mis à travailler avec des bruiteurs de cinéma.
Cette association l’amènera éventuellement à collectionner les sons de guerre,
qui sont aujourd’hui son pain et son beurre.
C’est une passion plus bruyante que d’autres, il en convient.
Dans l’immeuble où il possède son studio, les voisins n’apprécient pas toujours.
« Chaque fois que je travaille sur Apocalypse, je me fais virer parce que
les gens en ont marre du caisson de basse qui résonne dans les fondations.
Quand j’enchaîne des séquences de bombardement, on n’entend rien au 2e, mais
au 6e étage, c’est infernal. Il y a le toit qui vibre, il y a toute la taule
qui branle.
À un moment donné, les gens sont descendus.
Ils se demandaient ce qui se passait. C’est vrai que ç’a provoqué des problèmes.
J’ai dû payer le resto plusieurs fois ! »
Jean-Christophe Laurence La Presse Montréal Canada
APOCALYPSE
La Première Guerre Mondiale
14/18
5
épisodes (2013)
CC&C
LOUIS VAUDEVILLE
/ FRANCE 2 /
DANIEL COSTELLE / ISABELLE
CLARKE
Voix : MATHIEU
KASSOVITZ
Spécialiste
Sonorisation
Collection
Apocalypse (Sound
Design) : Gilbert
Courtois
Montage son:
Christian Rivest
Bruiteur : Guy Francoeur
Assistant
Bruiteur : Douglas
Capellato
Mixage : Louis Gignac
APOCALYPSE
La Première Guerre Mondiale
14/18
5
épisodes (2013)
CC&C
LOUIS VAUDEVILLE
/ FRANCE
2 /
DANIEL COSTELLE /
ISABELLE CLARKE
Voix : MATHIEU
KASSOVITZ
Spécialiste
Sonorisation
Collection
Apocalypse (Sound
Design) : Gilbert
Courtois
Montage
son: Christian Rivest
Bruiteur : Guy Francoeur
Assistant
Bruiteur : Douglas
Capellato
Mixage : Louis Gignac
TEST BLU-RAY Apocalypse : La Première Guerre Mondiale
C'est un véritable travail de titan. Pour
aboutir à ce résultat, il a fallu visionner plus de 500 heures d'archives
dont certaines se trouvent inédites et âgées de 100 ans ! 100 % des images
proposées ont été recolonisées, le son lui, se voit propulsé en 5.1 (DTS M.A).
Critique image
Avec un siècle au compteur, ces images bouleversantes et traumatisantes
offrent le maximum de leurs capacités. Les outrages du temps sont inéluctables,
et attendus. Le récit se suis avec grand plaisir et délivre par intermittence
de surprenantes images dont l'étalonnage marathonien fait des miracles.
Critique sonore
Le travail en prost-production est une véritable surprise. Déjà médusé
d'un mixage 5.1, le rendu est encore plus singulier. La narration dramatique
de Mathieu Kassovitz sort avec souplesse et propreté, quant à la bande originale
signée Christian Clermont, elle s'étale convenablement sur l'ensemble des
canaux grâce à un équilibre.
Mais le véritable point fort de cette partie vient de son mixage qui
ne se refuse absolument rien. Nous pouvons très bien passer d'avant/arrière
et inversement, comme de gauche à droite dans les surround. Une exploitation
rigoureuse de tous les canaux sans pour autant surexploiter le point de vue
narratif et visuel. Autant dire que l'immersion est imparable.
Gilbert Courtois (Sound Désigner sur la série Apocalypse) explique avec une
grande lucidité la marge d'écart qu'il peut y avoir avec une reproduction
" vidéo " des armes et ce que le bruit réel de ces machines assassines (notamment
la Grosse Bertha) peut réellement produire.
Impossible d'en décrocher,c'est édifiant.
Conclusion technique
Une industrie technique monstrueuse. Apocalypse - La Première Mondiale sait
émouvoir par son travail et son sujet laissant le spectateur avec de gros
stigmates. Images magnifiquement ressuscitées et mixage sonore puissant font
de ce documentaire un immanquable. Quant aux deux suppléments, ils se veulent
indispensables au récit, puissamment instructif.
Tout simplement obligatoire.
Publié par Syl20 le 18/04/2014